Ségrégation au cimetière: pourquoi les musulmans réclament des tombes séparées
22 février 2002
Pour ne pas être enterrés à côté des mécréants que sont à leurs yeux, chrétiens, juifs et tous ceux dont la religion n’est pas l’islam, les musulmans revendiquent des cimetières séparés en Suisse
Cette séparation des tombes est une nouvelle forme de racisme estime Sami A. Aldeeb, juriste à l'Institut suisse de droit comparé de Lausanne. Il a examiné de près les textes coraniques arabes et a fait le tour de la question dans les cantons qui ont été confrontés au problème, à savoir Genève, Berne, Bâle-Ville et Zurich. Dans une étude « Cimetière musulman », qui sort ces jours-ci, il met en garde contre cette nouvelle ségrégation et rappelle que c'est en supprimant les séparations que l'on réduit les antagonismes. Un point de vue dérangeant sur une question d'une brûlante actualité. Les communautés musulmanes de Suisse en constante progression ( probablement 450'000 personnes en Suisse), revendiquent leurs propres cimetières, invoquant le droit à un enterrement décent et la liberté de religion et de culte. Cette revendication remet en question le principe de laïcité de l’Etat qui garantit l’égalité jusque dans la mort. Or cette égalité, assurée par les tombes à la ligne, les musulmans n’en veulent pas. La doctrine musulmane interdit d’être enterré à côté des infidèles, soit les chrétiens,les juifs, les athées et tous ceux dont l’islam n’est pas la religion.
« Vouloir des cimetières séparés est une forme de ségrégation » considère Sami A. Aldeeb, professeur à l’Institut de droit comparé de L’Université de Lausanne qui vient de consacrer un livre à la question. Le juriste de poursuivre : « Les Eglises chrétiennes appuient ces requêtes au nom de la tolérance et du respect de la liberté de religion; mais si, inversément, un chrétien refusait d’être enterré à côté d’un musulman, il serait traîné en justice pour racisme ! Pourquoi cela n’est-il pas aussi valable pour un musulman qui ne veut pas être enterré à côté d’un chrétien ? »
Spécialiste des relations entre le droit et la religion, Sami A. Aldeeb a exploré les textes coraniques et les fatwas ( décisions religieuses) et passé au peigne fin toutes les affaires passées et présentes concernant l’établissement de cimetières religieux séparés dans notre pays dans une étude très documentée qui vient de sortir, «Cimetière musulman en Occident. » Il vaut la peine d’écouter sa voix discordante qui tranche avec les positions des Eglises sur le sujet, soucieuses de faire respecter la liberté de religion et le droit des minorités et de ne pas nuire au dialogue interreligieux.
Sami A. Aldeeb va même jusqu'à crier casse-cou et cite les termes de Michel Rossetti, ancien maire de Genève, qui a préfacé son ouvrage : « La multiculturalité qui se développe et l’écoute des minorités conduisent peu à peu à ce paradoxe: la majorité, par inconscience, désintérêt, voire lassitude, au lieu de défendre ses propres valeurs, se laisse phagocyter et finit souvent par adopter les valeurs des minorités, quitte à s’en mordre les doigts plus tard. »
§Paix civile et religieuseOuvert, convivial, parfois facétieux mais surtout franc-tireur, Sami A. Aldeeb tient pardessus tout à la paix civile et religieuse que la laïcité de l’Etat a garantie en Suisse en 1874, au lendemain du Kulturkampf avec sa Constitution assurant l’égalité, la liberté et le respect de la dignité humaine. « C’est en supprimant les séparations que l’on réduit les antagonismes » rappelle-t-il. C’est au nom de ce principe qu’il n’existe plus en Suisse de cimetières confessionnels séparant catholiques et protestants.
L’auteur passe en revue les griefs des musulmans qui revendiquent des cimetières ou de carrés séparés réservés aux seuls musulmans: le non respect dans les cimetières communaux de la direction des tombes vers la Mecque, l’enterrement dans un cercueil et non pas dans un linceul à même la terre, la désaffection des tombes après un certain nombre d’années, enfin l’usage fort répandu de l’incinération.
§Inhumation en terre impieAldeeb rappelle que la première norme imposée par le Coran aux musulmans est d’éviter une inhumation en terre impie. Ce qui explique que 90 des musulmans de notre pays se font rapatrier à leur mort pour être enterrés en terre d’islam. Par diplomatie, les musulmans en Suisse ne crient pas sur les toits que la tombe d’un mécréant est un lieu de châtiment et de colère qui fait subir un préjudice à ses voisins musulmans. Dans la feuille polycopiée intitulée « L’enterrement selon le rite musulman » ,la Fondation culturelle islamique n’insiste pas sur les mécréants que sont les chrétiens et écrit « Il est strictement interdit d’enterrer un non-musulman avec des musulmans, comme le contraire. Toutes les écoles sont d’accord sur ce point. Cette obligation religieuse exige l’exclusivité dans la mesure du possible. »
A propos des mécréants justement, le Coran stipule "ne prie jamais pour l’un d’entre eux quand il est mort, ne t’arrête pas devant sa tombe. Ils ont été incrédules envers Dieu et son Prophète et sont morts pervers. » (9:48)
L’auteur revendique haut et fort l’égalité dans la vie comme dans la mort pour assurer la paix des vivants. Pour lui, la demande de cimetières réservés n’est que le prélude à d’autres revendications. Et Sami A. Aldeeb de conclure de façon toute personnelle :« On est en train de reconnaître aux minorités des droits qu’on a enlevés à la majorité ». Son souhait est de supprimer toute ségrégation des morts, quelle que soit leur religion, et l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme au-delà de la tombe.
§Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, Cimetières musulmans en Occident, normes juives, chrétiennes et musulmanes en Occident, 168 pages, éd. L’Harmattan, Paris, février 2002.
« Vouloir des cimetières séparés est une forme de ségrégation » considère Sami A. Aldeeb, professeur à l’Institut de droit comparé de L’Université de Lausanne qui vient de consacrer un livre à la question. Le juriste de poursuivre : « Les Eglises chrétiennes appuient ces requêtes au nom de la tolérance et du respect de la liberté de religion; mais si, inversément, un chrétien refusait d’être enterré à côté d’un musulman, il serait traîné en justice pour racisme ! Pourquoi cela n’est-il pas aussi valable pour un musulman qui ne veut pas être enterré à côté d’un chrétien ? »
Spécialiste des relations entre le droit et la religion, Sami A. Aldeeb a exploré les textes coraniques et les fatwas ( décisions religieuses) et passé au peigne fin toutes les affaires passées et présentes concernant l’établissement de cimetières religieux séparés dans notre pays dans une étude très documentée qui vient de sortir, «Cimetière musulman en Occident. » Il vaut la peine d’écouter sa voix discordante qui tranche avec les positions des Eglises sur le sujet, soucieuses de faire respecter la liberté de religion et le droit des minorités et de ne pas nuire au dialogue interreligieux.
Sami A. Aldeeb va même jusqu'à crier casse-cou et cite les termes de Michel Rossetti, ancien maire de Genève, qui a préfacé son ouvrage : « La multiculturalité qui se développe et l’écoute des minorités conduisent peu à peu à ce paradoxe: la majorité, par inconscience, désintérêt, voire lassitude, au lieu de défendre ses propres valeurs, se laisse phagocyter et finit souvent par adopter les valeurs des minorités, quitte à s’en mordre les doigts plus tard. »
§Paix civile et religieuseOuvert, convivial, parfois facétieux mais surtout franc-tireur, Sami A. Aldeeb tient pardessus tout à la paix civile et religieuse que la laïcité de l’Etat a garantie en Suisse en 1874, au lendemain du Kulturkampf avec sa Constitution assurant l’égalité, la liberté et le respect de la dignité humaine. « C’est en supprimant les séparations que l’on réduit les antagonismes » rappelle-t-il. C’est au nom de ce principe qu’il n’existe plus en Suisse de cimetières confessionnels séparant catholiques et protestants.
L’auteur passe en revue les griefs des musulmans qui revendiquent des cimetières ou de carrés séparés réservés aux seuls musulmans: le non respect dans les cimetières communaux de la direction des tombes vers la Mecque, l’enterrement dans un cercueil et non pas dans un linceul à même la terre, la désaffection des tombes après un certain nombre d’années, enfin l’usage fort répandu de l’incinération.
§Inhumation en terre impieAldeeb rappelle que la première norme imposée par le Coran aux musulmans est d’éviter une inhumation en terre impie. Ce qui explique que 90 des musulmans de notre pays se font rapatrier à leur mort pour être enterrés en terre d’islam. Par diplomatie, les musulmans en Suisse ne crient pas sur les toits que la tombe d’un mécréant est un lieu de châtiment et de colère qui fait subir un préjudice à ses voisins musulmans. Dans la feuille polycopiée intitulée « L’enterrement selon le rite musulman » ,la Fondation culturelle islamique n’insiste pas sur les mécréants que sont les chrétiens et écrit « Il est strictement interdit d’enterrer un non-musulman avec des musulmans, comme le contraire. Toutes les écoles sont d’accord sur ce point. Cette obligation religieuse exige l’exclusivité dans la mesure du possible. »
A propos des mécréants justement, le Coran stipule "ne prie jamais pour l’un d’entre eux quand il est mort, ne t’arrête pas devant sa tombe. Ils ont été incrédules envers Dieu et son Prophète et sont morts pervers. » (9:48)
L’auteur revendique haut et fort l’égalité dans la vie comme dans la mort pour assurer la paix des vivants. Pour lui, la demande de cimetières réservés n’est que le prélude à d’autres revendications. Et Sami A. Aldeeb de conclure de façon toute personnelle :« On est en train de reconnaître aux minorités des droits qu’on a enlevés à la majorité ». Son souhait est de supprimer toute ségrégation des morts, quelle que soit leur religion, et l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme au-delà de la tombe.
§Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, Cimetières musulmans en Occident, normes juives, chrétiennes et musulmanes en Occident, 168 pages, éd. L’Harmattan, Paris, février 2002.