Payer pour se marier devant Dieu ?

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Payer pour se marier devant Dieu ?

14 février 2002
Mariages et enterrements permettront-ils un jour d’arrondir les fins de mois des Eglises réformées ? A l’heure où les finances de plusieurs cantons se trouvent mises à mal, l’idée refait son apparition, notamment à Genève
Monnayer des actes ecclésiastiques paraît une perspective contraire à l’essence même du travail pastoral pour certains, alors qu'elle semble une solution envisageable pour d’autres. Tour d'horizon. Payer pour se marier devant Dieu ? Dans l’esprit de certains protestants, l’idée fait son chemin. Pas nouvelle, elle resurgit en raison des problèmes financiers de certains cantons. A Genève par exemple, où l’on vient de lancer un appel à la générosité des fidèles (notre article no 282), « elle se trouve régulièrement évoquée comme un moyen de renflouer les caisses », confirme le chargé d’information John Grinling.

Le raisonnement est simple. Il ne concerne pas les cantons qui ignorent la séparation entre le religieux et l’Etat comme Vaud. Mais à Genève ou à Neuchâtel, les revenus des Eglises dépendent d’une libre contribution des habitants. « Le système fonctionne si les membres d’une communauté payent pour un ensemble de services, dont les mariages et les enterrements », explique Olivier Bauer, collaborateur de l’Institut romand de pastorale et assistant à Neuchâtel.

Malheureusement, le nombre des donateurs se réduit, alors que le recours au pasteur demeure toujours aussi fréquent. De plus, si à peu près tout le monde admet que l’urgence et la douleur qui accompagnent les enterrements empêchent toute tarification, certains rappellent qu’un pourcentage non négligeable de mariages appartient à une sorte de confort ou de folklore religieux. De nombreux couples se promettent fidélité dans un temple parce que cela ravit les parents et que cela permet de jolies photos, estiment certains ministres. Dès lors, pourquoi ne pas considérer cela comme un service payant ? Car si les futurs époux dépensent sans compter pour le repas ou la location d’endroits idylliques, « il ne leur vient souvent pas à l’idée que la mobilisation d’un pasteur pour la préparation de leur union et la cérémonie elle-même a un coût. Et ceux qui en ont conscience sont souvent déjà des donateurs », souligne encore Olivier Bauer, qui cite l’histoire de ce pasteur français à qui une famille demandait ce qu’ils avaient à payer après un enterrement. « Cent mille francs », leur a-t-il répondu. C’était l’équivalent du montant que l’Eglise aurait reçu s’ils avaient régulièrement versé leur obole.

§Une sensibilisation nécessaire Même si ce type de proposition choque moins que pour les services funèbres, les résistances demeurent fortes. Ce serait d’ailleurs une première, puisque du côté catholique, « on ne paie jamais un prêtre. La quête elle-même ne constitue pas une obligation », note l’attaché de presse de l’Eglise catholique romaine suisse. Farouchement opposé à ce genre de solution, John Grinling pense que le public comprendrait mal une telle mesure. « Je ne suis pas sûr que le total de ces actes ecclésiastiques auraient une influence significative sur notre budget. En revanche, cela reviendrait à considérer que le travail pastoral appartient au domaine du quantifiable, ce qui me paraît absurde. »

Aujourd’hui à la retraite, le Vaudois Bernard Reymond a été en paroisse durant 18 ans. « J’avoue qu’une telle disposition me gênerait doublement. Théologiquement, la grâce ne se marchande pas. Et humainement, je serais gêné notamment envers les personnes aux revenus modestes. »

Bernard Reymond milite donc en faveur d’un effort de sensibilisation des personnes qui font appel au pasteur. Telle est d’ailleurs la pratique à Neuchâtel. Olivier Bauer : « Nous les informons que si ces services sont offerts par l’Eglise, ils représentent des dépenses. Et que la contribution volontaire sert précisément à nous permettre de proposer ce type de prestation. » Reste que si cette méthode douce ne marche pas, le problème restera entier, comme celui de la reconnaissance par le politique de tout le travail social effectué par les Eglises comme les aumôneries d’hôpital ou de prison.