Une judaïté loin des mythes fondateurs
20 décembre 2001
Mercredi soir à Genève, la faculté de théologie accueillait une table ronde autour d’un ouvrage qui questionne les origines et l’avenir des Juifs
En compagnie d’un rabbin et de deux professeurs de l’Université, les auteurs ont évoqué une démarche tout en nuances, pénétrée d’interrogations et du désir d’ouvrir le débat plutôt que de le clore. La question se pose comme une provocation, surtout en ce moment. Dans leur récent ouvrage Les Juifs ont-ils un avenir ?, Esther Benbessa et Jean-Christophe Attias interrogent, à travers un dialogue fécond, la richesse, la diversité mais aussi les contradictions du judaïsme. « Surtout ne pas donner de leçons ou livrer des réponses définitives, mais tenter d’ouvrir le débat entre nous puis dans la cité à travers nos deux regards », expliquait Esther Benbessa mercredi soir à Genève lors d’une table ronde.
Invités par la faculté de théologie du bout du lac, les deux auteurs ont eu l’occasion de rappeler qu’à leur sens « l’actualité brûlante et tendue ne devait pas empêcher les intellectuels de penser. » Une allusion plus ou moins directe à quelques attaques très vives dont leur livre a été l’objet, notamment de la part du philosophe français Bernard Henri Lévy. La controverse s’est en fait concentrée autour de quelques thèses développées par le couple de chercheurs français, dont leur refus de qualifier d’unique la Shoah. « Pour nous, a rappelé Esther Benbessa, la Shoah comporte bien la spécificité d’un génocide, mais nous n’y voyons pas l’unicité d’un génocide juif. »
Selon les auteurs, une trop forte cristallisation de la part de la communauté israélite envers certaines formes contemporaines d’antisémitisme peuvent « empêcher d’être Juif pleinement, de manière positive, active et non réactive. Il convient de cultiver la mémoire comme le texte, mais d’éviter d’en faire des vertiges en s’imposant de la mesure dans ces domaines », a notamment souligné Christophe Attias. Pour François Garaï, rabbin de la communauté libre de Genève, les questions posées par ce livre s’avèrent « salutaires, même si on peut ne pas être d’accord avec certaines de vos prises de position et sur le cheminement intellectuel qui y mène. »
§L’exil au cœur d’une identité multipleAu centre de cette réflexion, la certitude de la diversité du judaïsme largement née de l’exil et de la diaspora. Pas de mémoire, pas de norme qui s’imposent à l’ensemble des Juifs. « Etre Juif, c’est être né quelque part, dans une langue ou une culture autre, issu d’une diversité ethnique, culturelle et linguistique. Et ce sont l’exil et la dispersion qui font le Juif, et qui expliquent en même temps qu’il y ait autant de façons de l’être », a noté Christophe Attias. Bref, une identité plurielle mais marquée par une communauté de destin et le mythe fondateur d’un peuple rassemblé sur une terre promise. Utopie sur laquelle il serait vain de se fonder pour façonner l’identité juive contemporaine, selon Benbessa et Attias. Pour eux, l’avenir des Juifs passera donc par le refus de se complaire dans la fascination de la souffrance et à travers le dépassement de la haine de l’autre, réelle ou supposée. D’où la nécessité, a conclu le professeur Albert de Pury, de revitaliser cette diaspora qui a tant apporté à l’Occident tout entier durant des siècles. « Une nécessité non seulement pour le judaïsme, mais aussi pour les musulmans et les chrétiens. »
§UTILE
Esther Benbessa et Jean-Christophe Attias, Les Juifs ont-ils un avenir ? , J-Cl Lattès, 250 p.
Invités par la faculté de théologie du bout du lac, les deux auteurs ont eu l’occasion de rappeler qu’à leur sens « l’actualité brûlante et tendue ne devait pas empêcher les intellectuels de penser. » Une allusion plus ou moins directe à quelques attaques très vives dont leur livre a été l’objet, notamment de la part du philosophe français Bernard Henri Lévy. La controverse s’est en fait concentrée autour de quelques thèses développées par le couple de chercheurs français, dont leur refus de qualifier d’unique la Shoah. « Pour nous, a rappelé Esther Benbessa, la Shoah comporte bien la spécificité d’un génocide, mais nous n’y voyons pas l’unicité d’un génocide juif. »
Selon les auteurs, une trop forte cristallisation de la part de la communauté israélite envers certaines formes contemporaines d’antisémitisme peuvent « empêcher d’être Juif pleinement, de manière positive, active et non réactive. Il convient de cultiver la mémoire comme le texte, mais d’éviter d’en faire des vertiges en s’imposant de la mesure dans ces domaines », a notamment souligné Christophe Attias. Pour François Garaï, rabbin de la communauté libre de Genève, les questions posées par ce livre s’avèrent « salutaires, même si on peut ne pas être d’accord avec certaines de vos prises de position et sur le cheminement intellectuel qui y mène. »
§L’exil au cœur d’une identité multipleAu centre de cette réflexion, la certitude de la diversité du judaïsme largement née de l’exil et de la diaspora. Pas de mémoire, pas de norme qui s’imposent à l’ensemble des Juifs. « Etre Juif, c’est être né quelque part, dans une langue ou une culture autre, issu d’une diversité ethnique, culturelle et linguistique. Et ce sont l’exil et la dispersion qui font le Juif, et qui expliquent en même temps qu’il y ait autant de façons de l’être », a noté Christophe Attias. Bref, une identité plurielle mais marquée par une communauté de destin et le mythe fondateur d’un peuple rassemblé sur une terre promise. Utopie sur laquelle il serait vain de se fonder pour façonner l’identité juive contemporaine, selon Benbessa et Attias. Pour eux, l’avenir des Juifs passera donc par le refus de se complaire dans la fascination de la souffrance et à travers le dépassement de la haine de l’autre, réelle ou supposée. D’où la nécessité, a conclu le professeur Albert de Pury, de revitaliser cette diaspora qui a tant apporté à l’Occident tout entier durant des siècles. « Une nécessité non seulement pour le judaïsme, mais aussi pour les musulmans et les chrétiens. »
§UTILE
Esther Benbessa et Jean-Christophe Attias, Les Juifs ont-ils un avenir ? , J-Cl Lattès, 250 p.