Approche de l’hiver : un temps pour écouter sa petite musique intérieure

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Approche de l’hiver : un temps pour écouter sa petite musique intérieure

22 novembre 2001
Avec les nuits qui s'allongent, le temps est à la dépression, au repli intérieur mais aussi à la spiritualité
Rencontre avec un psychiatre genevois qui prône la thérapie par la lumière et Pierre-Yves Brandt, professeur de psychologie de la religion aux Universités de Lausanne et Genève. Accompagnateur spirituel pour des personnes en recherche ou en difficulté, il parle de la corrélation entre spiritualité et rythmes de la nature.§Sous nos latitudes, la météo de novembre incite au repli intérieur. Est-ce une période qui favorise la spiritualité?P.-Y. B.: La nuit s’allonge, l’air se refroidit, un cycle de la nature prend fin. Cela peut être interprété dans un registre de peur. Crainte que la vie ne reprenne pas, que la nature s’arrête définitivement. Rappelez-vous cette interrogation de Charles Ferdinand Ramuz: si le soleil ne revenait pas? Lorsque, dans notre environnement, tout fait retrait, cela évoque des phénomènes de mort, de perte et provoque des questions sur le sens de la vie. Ces changements ne sont pas universels, car ils sont liés à notre hémisphère. Plus nous nous éloignons de l’équateur, plus ces phénomènes sont marqués.

§Que signifie le retrait d’un point de vue spirituel?P.-Y. B.: Bien sûr, cela évoque les thèmes de la retraite, du désert, de la grotte, de l’ermite, de la solitude. On pourrait dire que le dénominateur commun de toutes ces démarches, c’est de se placer devant soi et devant Dieu. Plusieurs cas de figure sont possibles. Au moment d’un tournant dans l’existence, comme le Christ qui, avant de commencer sa mission, se retire dans le désert. Ou alors, dans l’agitation et le stress, le besoin d’une aire de repos et de tranquillité. Faire retrait, se retirer des sollicitations envahissantes, pour entendre ce qui vient de soi-même, en soi-même. Les personnes se donnent des temps de retraite spirituelle par joyeuse habitude ou en lien avec des phases de vie. La retraite a souvent lieu dans un endroit protégé, un monastère par exemple, pour laisser émerger ce qui habite l’être sans interférence avec la vie quotidienne.

§Le besoin de s’isoler, de prendre un temps de retraite est-il un phénomène de mode ou cela a-t-il toujours existé?P.-Y. B.: Dans une société agricole, l’organisation du travail implique de longs moments de solitude. Je me souviens d’un jeune voulant devenir paysan. A la belle saison, il découvre une activité vécue de manière très communautaire: les semailles, les travaux dans les champs, les moissons sont effectués en groupe; mais l’hiver, les travaux d’entretien sont répartis et les tâches sont effectuées souvent seul dans un hangar, c’est plus austère. Ce jeune a finalement renoncé à cet apprentissage, car cet aspect plus solitaire de l’activité paysanne ne lui convenait pas. Cette petite histoire souligne que la vie au rythme de la nature nous confronte obligatoirement à de longs moments de solitude. Les personnes qui vivent au rythme de la ville doivent, quant à elles, davantage organiser cet espace pour se retrouver avec elles-mêmes. Une interrogation cependant subsiste. Dans nos villes, toujours plus de gens vivent seuls. C’est un phénomène nouveau, car il faut une société très technique pour que l’on n’ait plus besoin des autres pour toutes sortes de tâches élémentaires. Un exemple: faire à manger à l’aide d’un four à bois, cela demande trop d’efforts pour se contenter de cuire une seule pizza; le four électrique me permet de me cuire une pizza congelée sans imaginer avoir besoin des autres pour préparer ce repas. De ces nouvelles manières et possibilités de vivre en société émergent de nouvelles spiritualités. Ce qui est paradoxal, c’est que l’on remarque que les personnes qui ont suffisamment de solitude au quotidien sont souvent les premières à participer à des temps de retraite. Je ne sais pas pourquoi. La seule hypothèse que je pourrais avancer, c’est que ce n’est pas la même solitude.