Adopter le christianisme de l'oppresseur: de passage en Suisse, un pasteur sioux témoigne
4 octobre 2001
Né dans une réserve du Dakota, Richard Twiss a haï l’envahisseur blanc et milité pour les droits des peuples autochtones d’Amérique du Nord
Aujourd’hui, converti au christianisme et fondateur d’une association de diffusion du message biblique au sein des tribus, il voyage dans le monde entier pour faire connaître son ministère et celui d’autres pasteurs indiens travaillant dans un contexte difficile de pauvreté et d’échec social. Richard Twiss est un Sioux Lakota. De sa nation, il a la longue chevelure noire et la haute stature. Né dans la pauvreté d’une réserve (Rosebud, dans le Dakota), ancien activiste de l’American Indian Movement (AIM), il est aujourd’hui président de l’association Wiconi International fondée avec son épouse en 1997. Dans sa langue, we-cho-nee signifie « vie. » Tel est bien le sens du Ministère de Richard Twiss et de des autres « Natives » chrétiens issus de plusieurs tribus d’Amérique du Nord qui l’ont rejoint. Du Tibet à l’Australie, de l’Afrique à la Suisse, ils sont une quinzaine à parcourir le monde et à arpenter les réserves de leur pays avec un message de paix et d’espérance. Contrairement à beaucoup d’Indiens convertis, ils ne se détournent pas de leur culture, mais au contraire la revendiquent : c’est avec leurs danses et leurs chants traditionnels qu’ils veulent louer le Seigneur. Rencontre avec Richard Twiss, lors de son second passage en Suisse romande à la fin septembre.
§Votre groupe vient de sillonner la Suisse romande durant une dizaine de jours. Dans des cultes, sur un marché ou à l’occasion de soirées de présentation, vous attirez des centaines de personnes. Quel message leur apportez-vous ? Depuis son enfance, l’indigène d’Amérique du nord entretient un rapport intime avec la Création, et il possède une sensibilité particulière au monde spirituel. Nous pensons que beaucoup de Chrétiens en Europe ont perdu cela : la partie surnaturelle du pouvoir divin. Nous leur disons qu’ils doivent renaître pour sentir la force et la puissance de la foi, pour pouvoir entretenir une relation personnelle avec le Créateur. Nous leur disons aussi que le christianisme n’est pas la religion de l’homme blanc ou des Européens, parce que nous pensons que Jésus est mort pour tous les peuples.
Deuxièmement, nous aimerions transmettre qu’être chrétien, ce n’est pas seulement appartenir à une Eglise. C’est un style de vie, un engagement. Le confort, l’argent, les bonnes conditions de vie qui existent ici peuvent transformer la foi en une routine qui revient finalement à penser que la vie va bien comme cela, qu’il n’y a pas besoin de spiritualité.
§Vous avez adopté la religion de ceux qui vous ont oppressé et chassé de vos terres. Comment l’expliquez-vous aux vôtres ?C’est vrai, notre oppresseur était chrétien, souvent catholique. Et il a colonisé le Nouveau Monde au nom du roi et de la Bible. Ils voyaient notre peuple comme des simples d’esprit qu’il fallait sauver de l’enfer et les rééduquer pour en faire de ‘bons chrétiens’. Naturellement, une grande majorité parmi les miens en ont gardé une fausse image de l’Evangile, une image politisée. A ceux-là, nous expliquons que si des choses horribles ont été commises au nom de Dieu, elles contredisent pourtant le message biblique. Le message de Jésus n’a rien à voir avec l’oppression coloniale. Aujourd’hui, nous avons le droit de nous approprier la bonne nouvelle et nous avons le droit de prier avec notre culture, nos danses, nos traditions.
§Vous avez été activiste du AIM (mouvement militant indien qui fit beaucoup parler de lui dans les années 70, notamment par l’occupation du bureau des affaires indiennes de Washington, ndlr.) et avez éprouvé la haine de l’envahisseur blanc. Devenir chrétien a nécessité que vous passiez par la pardon…Dans un certain sens, chaque chrétien doit pouvoir passer par ce deuil de la haine et de l’arrogance pour autrui. Nos nations ont été et sont encore victimes de racisme dans leur propre pays. Nous pouvons et devons pardonner. Pourtant, il faut aussi que les blancs américains prennent conscience de leur responsabilité. Cela commence, il y a des signes positifs : des études donnent une autre image de l’histoire des USA, des équipes de sport universitaires abandonnent leurs noms qu’ils nous avaient empruntés. Mais la route est encore longue.
§En fait, au sein des tribus, votre ministère se heurte à une double opposition…Oui. Il y a d’un côté une minorité convertis qui ont rejeté leur culture en même temps qu’ils devenaient chrétiens. A l’opposé, ceux qui militent pour un retour aux anciennes traditions nous considèrent un peu comme des traîtres. Il faut beaucoup expliquer, parler avec les gens, leur dire que chaque culture peut contribuer à l’édification du royaume de Dieu, qu’ils peuvent conserver leur identité et croire que Jésus est mort sur la croix pour eux. Cette compréhension fait lentement sa place dans les esprits des 90% de nos compatriotes qui rejettent le christianisme ou s’en font encore une fausse image.
§Certains vous accusent de syncrétisme en vous voyant prier et danser avec des tambours et des costumes traditionnelsCe danger existe. Un exemple : dans les réserves, une Eglise appelée « Native American Church » utilise le peyotl (sorte de cactus dont on extrait un puissant hallucinogène, la mescaline ndlr.) dans ses cultes. Elle rappelle que selon nos coutumes ancestrales, la fumée purifie l’air en même temps que l’âme. Voilà du syncrétisme : mettre ensemble deux choses qui n’ont rien à voir et prétendre à une tout cohérent. Ce n’est pas ce que nous faisons. Un tambour de peau, au même titre qu’un violon ou tout autre instrument, est neutre. Tout dépend de son usage. Et nous ne voyons pas pourquoi il faudrait utiliser des moyens d’expression européens pour louer Dieu.
§Votre groupe vient de sillonner la Suisse romande durant une dizaine de jours. Dans des cultes, sur un marché ou à l’occasion de soirées de présentation, vous attirez des centaines de personnes. Quel message leur apportez-vous ? Depuis son enfance, l’indigène d’Amérique du nord entretient un rapport intime avec la Création, et il possède une sensibilité particulière au monde spirituel. Nous pensons que beaucoup de Chrétiens en Europe ont perdu cela : la partie surnaturelle du pouvoir divin. Nous leur disons qu’ils doivent renaître pour sentir la force et la puissance de la foi, pour pouvoir entretenir une relation personnelle avec le Créateur. Nous leur disons aussi que le christianisme n’est pas la religion de l’homme blanc ou des Européens, parce que nous pensons que Jésus est mort pour tous les peuples.
Deuxièmement, nous aimerions transmettre qu’être chrétien, ce n’est pas seulement appartenir à une Eglise. C’est un style de vie, un engagement. Le confort, l’argent, les bonnes conditions de vie qui existent ici peuvent transformer la foi en une routine qui revient finalement à penser que la vie va bien comme cela, qu’il n’y a pas besoin de spiritualité.
§Vous avez adopté la religion de ceux qui vous ont oppressé et chassé de vos terres. Comment l’expliquez-vous aux vôtres ?C’est vrai, notre oppresseur était chrétien, souvent catholique. Et il a colonisé le Nouveau Monde au nom du roi et de la Bible. Ils voyaient notre peuple comme des simples d’esprit qu’il fallait sauver de l’enfer et les rééduquer pour en faire de ‘bons chrétiens’. Naturellement, une grande majorité parmi les miens en ont gardé une fausse image de l’Evangile, une image politisée. A ceux-là, nous expliquons que si des choses horribles ont été commises au nom de Dieu, elles contredisent pourtant le message biblique. Le message de Jésus n’a rien à voir avec l’oppression coloniale. Aujourd’hui, nous avons le droit de nous approprier la bonne nouvelle et nous avons le droit de prier avec notre culture, nos danses, nos traditions.
§Vous avez été activiste du AIM (mouvement militant indien qui fit beaucoup parler de lui dans les années 70, notamment par l’occupation du bureau des affaires indiennes de Washington, ndlr.) et avez éprouvé la haine de l’envahisseur blanc. Devenir chrétien a nécessité que vous passiez par la pardon…Dans un certain sens, chaque chrétien doit pouvoir passer par ce deuil de la haine et de l’arrogance pour autrui. Nos nations ont été et sont encore victimes de racisme dans leur propre pays. Nous pouvons et devons pardonner. Pourtant, il faut aussi que les blancs américains prennent conscience de leur responsabilité. Cela commence, il y a des signes positifs : des études donnent une autre image de l’histoire des USA, des équipes de sport universitaires abandonnent leurs noms qu’ils nous avaient empruntés. Mais la route est encore longue.
§En fait, au sein des tribus, votre ministère se heurte à une double opposition…Oui. Il y a d’un côté une minorité convertis qui ont rejeté leur culture en même temps qu’ils devenaient chrétiens. A l’opposé, ceux qui militent pour un retour aux anciennes traditions nous considèrent un peu comme des traîtres. Il faut beaucoup expliquer, parler avec les gens, leur dire que chaque culture peut contribuer à l’édification du royaume de Dieu, qu’ils peuvent conserver leur identité et croire que Jésus est mort sur la croix pour eux. Cette compréhension fait lentement sa place dans les esprits des 90% de nos compatriotes qui rejettent le christianisme ou s’en font encore une fausse image.
§Certains vous accusent de syncrétisme en vous voyant prier et danser avec des tambours et des costumes traditionnelsCe danger existe. Un exemple : dans les réserves, une Eglise appelée « Native American Church » utilise le peyotl (sorte de cactus dont on extrait un puissant hallucinogène, la mescaline ndlr.) dans ses cultes. Elle rappelle que selon nos coutumes ancestrales, la fumée purifie l’air en même temps que l’âme. Voilà du syncrétisme : mettre ensemble deux choses qui n’ont rien à voir et prétendre à une tout cohérent. Ce n’est pas ce que nous faisons. Un tambour de peau, au même titre qu’un violon ou tout autre instrument, est neutre. Tout dépend de son usage. Et nous ne voyons pas pourquoi il faudrait utiliser des moyens d’expression européens pour louer Dieu.