Les femmes dans la Bible : la relecture décapante de Pauline Bebe, rabbin à Paris

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Les femmes dans la Bible : la relecture décapante de Pauline Bebe, rabbin à Paris

24 août 2001
Pauline Bebe, l’une des rares femmes rabbins d’Europe, qui dirige une petite communauté libérale à Paris, n’a pas froid aux yeux
Elle a osé, dans son « Dictionnaire des femmes et du judaïsme», une relecture « critique et aimante », décapante et jubilatoire de la tradition patriarcale de la Bible. Elle pose un regard neuf et tendre sur les principaux personnages féminins des Ecritures et sur les thèmes du plaisir, de la contraception, de l’avortement, du mariage, de l’homosexualité ou du divorce. Son approche sensible parle à toutes les femmes concernées par le Livre, chrétiennes, juives ou musulmanes. Pauline Bebe rappelle d’emblée que le rôle de la femme n’est pas dicté par Dieu, mais qu’il est l’expression bien humaine d’un groupe religieux et spirituel d’une certaine époque. « Dieu n’a pas pu dicter la domination d’une moitié de la population par l’autre ». Le ton est donné. Pour elle,la tradition juive a toujours pris prétexte, soit de la volonté divine soit des différences biologiques pour justifier la ségrégation des femmes et leur domination par les hommes.

Cette tradition justifie l’exclusion de la femme de l’accomplissement d’un certain nombre de commandements, soi-disant parce qu’elle n’en aurait pas besoin ou qu’elle aurait une connaissance innée du divin. Pauline Bebe relève une autre justification, plus amusante et significative, donnée par le commentateur médiéval espagnol David ben Joseph Aboudarham: « Comme la femme est soumise aux ordres de son mari, si elle néglige son mari pour observer une mitswa pour Dieu, son mari sera mécontent. Si en revanche elle néglige Dieu pour obéir à son mari, son Créateur sera mécontent. »

§Le sexisme travesti en éloge Pauline Bebe n’est pas dupe : l’éloge biblique des vertus féminines est une forme de sexisme plus élaboré et plus insidieux parce qu’il s’exprime sous forme de louange et non de dénigrement. Et l’auteur de rappeler que la Torah a été écrite par des hommes et que ce sont toujours des hommes qui décident des besoins des femmes. Elle cite le texte de la louange que disent encore aujourd’hui les juifs orthodoxes: « Bénis sois-tu Eternel notre Dieu, Roi de l’univers qui ne m’as pas fait femme ». Il en dit long sur la condition peu enviable du sexe faible. Elle rappelle aussi qu’à la naissance d’un garçon, la femme est impure pendant sept jours, alors qu’à la naissance dune fille, elle l’est pendant quatorze jours. Le Talmud justifie cette différence par la joie plus grande d’avoir un garçon !

Au fil des rubriques de son dictionnaire, Pauline Bebe raconte les personnages féminins de la Bible et du Talmud : Eve, mère de tous les vivants, Lilith, réhabilitée par les féministes dans les années 70, figure légendaire trouvant sans doute son origine dans la différence entre les deux récits de la création de l’homme et de la femme dans la Genèse. Elle relit l’histoire de Sara, de Rebecca et de Rachel, de la reine de Saba qui parlait d’égal à égal au roi Salomon, de Ruth, de la Shulamite du Cantique des Cantiques. Elle montre comment des femmes indépendantes sont vite diabolisées, comment il leur faut user de leur séduction pour arriver à leurs fins, même très louables. Elle plaide avec sensibilité pour l’égalité des droits entre hommes et femmes et pour l’esprit de tolérance. On est bien loin de l’image des femmes blessées et humiliées du film d’Amos Gitaï, «Kadosh».

§Pauline Bebe, "Isha, Dictionnaire des femmes et du judaïsme", 426 pages, éd. Calmann-Lévy, 2001.