Point de chrétiens sans Judas :Armand Abécassis réhabilite l’apôtre déchu

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Point de chrétiens sans Judas :Armand Abécassis réhabilite l’apôtre déchu

7 août 2001
Si Judas n’avait pas livré Jésus, que serait-il arrivé ? Jésus serait-il mort ? Le christianisme serait-il né ? La Passion du Christ fut-elle divine ou ne fut-elle qu’un événement malheureux de l’histoire d’Israël que les juifs n’ont cessé de payer de leurs vies ? Telles sont les questions dérangeantes que pose Armand Abécassis en recherchant la véritable histoire de Judas à travers les écrits juifs et hébreux
Sa lecture des Evangiles est un vigoureux plaidoyer pour l’apôtre dont le geste énigmatique a changé le monde. Le portrait qu’il nous en donne n’est toutefois pas entièrement nouveau : la romancière Dominique Reznikoff avait déjà vu en « Judas Iscariote » un homme innocent et trop zélé.Et si Judas n’avait pas livré Jésus, que serait-il arrivé ? D’après les apôtres et les théologiens chrétiens, le Fils de Dieu devait mourir afin d’apporter le salut au monde. Sans Judas, le projet divin n’aurait pas pu s’accomplir. La sale tâche de Judas avait donc un sens et Jésus le savait. Auteur d’un récent ouvrage sur « Judas et Jésus » Armand Abécassis propose une lecture comparée des Evangiles et des textes hébreux et juifs, pour essayer de cerner le Judas de l’histoire.

L’auteur rappelle d’emblée que Judas fut choisi comme apôtre par Jésus en toute connaissance de cause. Jésus devait bien connaître son compagnon, probablement adepte du mouvement zélote d’origine galiléenne qui résistait à l’occupant romain. Une réelle complicité semblait unir Jésus et Judas et ce dernier s’était vu confier la caisse de la communauté.

Armand Abécassis présente Judas comme un homme intransigeant et passionné qui attend tout de Jésus, qu’il libère son peuple spirituellement et politiquement et qu’il accomplisse le royaume de Dieu sur la terre. L’apôtre espère pouvoir assister au triomphe final de Jésus et accepte mal le discours pacifiste, purement spirituel de Jésus, affirmant que son royaume n’est pas de ce monde.

Judas doute que l’amour et le pardon suffisent à chasser les Romains. Il souhaite ardemment que son maître, son rabbi bien-aimé, révèle au monde sa véritable nature. Or Judas voit Jésus se retirer sur le Mont des Oliviers, comme si le courage lui manquait, alors même que le peuple l’a accueilli à Jérusalem dans l’enthousiasme et qu’il est prêt de réussir sa mission. A-t-il voulu, en conduisant Jésus au face à face final avec les grands prêtres, le pousser à faire éclater sa force messianique et hâter la reconnaissance de Jésus par son peuple ? Il n’imagine pas qu’il a précipité Jésus dans un combat perdu d’avance. Il a échoué, estime Armand Abécassis, qui souligne que Jésus a pris sa part de l’échec.

En s’acharnant sur Judas et en concentrant sur lui la traîtrise et l’amour de l’argent, Armand Abécassis rappelle que Jean a fait porter au peuple juif la terrible accusation de déicide. « Comment peut-on attribuer à Judas tant d’ignominie ? » se demande-t-il. Pour lui, les auteurs des Evangiles étaient des témoins de leur foi nouvelle, peu soucieux des faits historiques et hostiles envers les juifs qui ne voulaient pas se convertir à leur nouvelle religion. L’antisémitisme des premiers chrétiens a été perpétué jusqu’à aujourd’hui.

« Le christianisme a fait du silence et de la mort de Jésus la condition incontournable du salut de l’humanité. » Dès lors, conclut Armand Abécassis, Judas ne pouvait être que traître, et sa traîtrise devenait nécessaire à ce salut universel. Fallait-il en faire payer le prix fort à tout un peuple pendant deux mille ans ?

L’analyse d’Armand Abécassis souligne l’urgence qu’ la judaïté de Jésus trop longtemps escamotée.

§Armand Abécassis, Judas et Jésus, une liaison dangereuse, éd. 1, 266 pages, 2001.