"Lettre à Dieu "de Jules Roy:Soudain, face à la mort, on a peur

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"Lettre à Dieu "de Jules Roy:Soudain, face à la mort, on a peur

22 juin 2001
A 91 ans, tenant à peine sur ses guiboles, souffrant de partout, Jules Roy se lança un ultime défi, une lettre à Dieu, dont il savait qu’elle serait son dernier message et que, selon sa propre expression, il la livrerait lui-même
Jules Roy s’en est allé l’année passée. Voici son dernier ouvrage en forme de prière à celui qu’ il n’a pas cessé de chercher. Un témoignage fort sur la fin de la vie, observée avec une lucidité teintée d’humour, suprême politesse de l’écrivain. Notes de lecture.« Ce n’est pas la mort qui me fait peur, c’est le trépas ». Ces mots de Malraux, Jules Roy les reprend à son compte pour dire son épouvante. « Nom de Dieu, vous dis-je, Seigneur suprême, tirez-moi de là ». Le vieillard qu’il est devenu, tenant à peine sur ses guiboles, allant de chute en rechute, a l’esprit clair et le verbe rugueux pour dire sa déchéance physique, son angoisse de mécréant qui n’a pas cessé de parler de Dieu, un peu à la manière de Brassens, tout comme lui marqué par la profonde foi maternelle. « Ayez pitié, mon Dieu, si vous existez, de ce vieil homme désemparé. »

Pilote de bombardier pendant la Deuxième guerre mondiale, Jules Roy a côtoyé la mort à chaque raid. Bon entraînement à mourir qui lui a permis de jouer les prolongations pendant plus d’un demi-siècle avec une fringale de vie dont il se souvient sans regrets. Mais cette fois-ci, le face à face est inévitable et sera fatal. Il faut passer le pas, affronter l’inconnu dont personne n’a jamais parlé.

Jules Roy évoque Blaise Pascal dont les Pensées ont été une lecture qui l’a accompagné tout au long de sa vie, pour regretter qu’il ne fût pas revenu nous dire s’il avait gagné son pari, pas plus que son ami Max-Pol Fouchet, qui avai pourtant promis de tout lui raconter, si c’était possible. Lazare, le frère de Marthe et Marie, lui non plus, n’a jamais parlé de ces trois jours au tombeau avant que Jésus ne le rappelle à la vie.

Mourir n’est pas une petite affaire. Ce petit bouquin tapé d’un seul doigt, entre deux souffrances, nous le rappelle de façon tonique et attachante. Ce témoignage qui alterne souvenirs d’Algérie où l’écrivain a grandi, méditations sans aigreur et angoisses, nous touche. En parlant de ses peurs, de son goût de la vie, des femmes, de son recours presque instinctif à la prière, " morphine bien-aimée qui enlève la douleur et l'angoisse", Jules Roy renvoie le lecteur à ce travail secret que chacun mène à sa façon, pour comprendre le sens de l’existence, et rappelle cette furieuse envie de trouver Dieu au bout du compte.

§Lettre à Dieu, Jules Roy, éd. Albin Michel