"Le fondamentalisme religieux prend de l'ampleur en Europe de l'est"
14 août 2000
Invité des rencontres d'été du Réarmement moral à Caux (VD), Monseigneur Damaskinos, un haut représentant du christianisme orthodoxe en Europe, s'est exprimé sur les relations entre orthodoxes, catholiques et protestants, à l'heure où la religion en Europe de l'est fait l'objet de multiples manipulations politiques: "L'utilisation des tensions nationalistes et confessionnelles pour créer un "nouvel ordre" a réveillé des oppositions historiques et religieuses, ce qui crée le cercle vicieux des conflits entre le peuples d'Europe de l'est et éloigne la vision d'une coexistence pacifique entre eux"
Interview.
Photos: agence Ciric, Chemin des Mouettes 4, cp 405, 1001 Lausanne, tel 021/613 23 83, fax 021/ 613 23 84, ciric@cath.ch §De nombreux observateurs affirment que le dialogue entre l'Eglise orthodoxe et l'Eglise catholique se trouve dans l'impasse.Je ne partage pas ce point du vue. La levée des anathèmes entre l'Eglise catholique romaine et le Patriarcat œcuménique de Constantinople dans les années 1960 a créé les conditions d'un dialogue qui se déroule de manière officielle depuis 1981. Ce dialogue n'a jamais cessé et les relations entre nos deux confessions évoluent favorablement. Bien sûr, des obstacles demeurent. Essentiellement la primauté juridique et l'infaillibilité du pape, de même que le statut des Eglises grecques-catholiques, appelées uniates, qui restent fidèles à Rome mais pratiquent la liturgie orthodoxe.
§Sur le terrain, il y a pourtant une autre pomme de discorde: le zèle des missionnaires catholiques envoyés dans les pays de l'Est.En effet. On trouve aussi des missionnaires d'autres Eglises. Je crois que ce phénomène découle du fondamentalisme religieux qui prend toujours plus d'ampleur, particulièrement en ex-Union soviétique, et qui touche toutes les confessions, y compris les orthodoxes et les protestants. C'est la conséquence fâcheuse de septante ans de communisme où le sentiment national des différentes républiques composant l'URSS n'a jamais pu s'exprimer. Ce nationalisme qui a été brimé pendant si longtemps s'insinue aujourd'hui dans tous les aspects de la vie publique, y compris dans la vie religieuse. C'est ainsi qu'on trouve de nombreux communistes parmi les défenseurs de la religion orthodoxe. En fait, ils connaissent mal l'orthodoxie, mais ils l'utilisent à des fins politiques et nationalistes.
§Comment débloquer la situation?Il appartient au clergé orthodoxe d'adapter son message à la nouvelle donne issue de l'effondrement du communisme. Ce n'est pas chose facile, car certains milieux orthodoxes ne comprennent pas l'importance du dialogue œcuménique. Plusieurs estiment qu'un tel dialogue équivaut à une trahison ou à une perte de temps. De plus, les fondamentalistes empoisonnent l'atmosphère avec des publications qui n'expriment pas la foi authentique orthodoxe.
§Le dialogue entre les chrétiens d'Orient et d'Occident n'a-t-il pas également souffert de l'intervention de l'OTAN en ex-Yougoslavie?Certainement. Ce sont les grandes puissances occidentales qui ont défini les critères justifiant la guerre. Et l'on n'a pas vraiment compris les raisons de l'intervention militaire contre la Serbie, alors que d'autres nettoyages ethniques sont en cours de par le monde sans que cela n'émeuve l'OTAN. Dès lors, il s'est trouvé des gens pour penser qu'il s'agissait d'une attaque sélective de l'occident chrétien contre l'orthodoxie. Personnellement, ce n'est pas ma vision des choses, mais on pouvait légitimement avoir l'impression qu'en ex-Yougoslavie, les Occidentaux avaient cédé à une volonté aveugle d'exploiter leur suprématie pour créer un nouvel ordre, en soi mal conçu, en Europe de l'est.
§Faut-il s'attendre à des conflits confessionnels en Europe de l'est?Il y a surtout lieu de s'inquiéter de la situation en ex-Yougoslavie. On constate que les belligérants ont exploité à l'envi les tensions nationalistes et confessionnelles avec pour résultat la destruction de la cohésion sociale et une grande incertitude sur les possibilités d'une coexistence entre ces différents peuples.
§On en revient donc toujours au problème de fond qui est celui de la manipulation de la religion?Absolument. D'où l'importance de la Fondation pour le dialogue interreligieux et interculturel créée l'an passé à Genève, qui a pour but de favoriser la compréhension et la tolérance entre le christianisme, l'islam et le judaïsme. Nous voulons mettre à la disposition des fidèles une information non partisane capable de faire échec aux tentatives de récupérations politiques de la religion. Nous tenons aussi à rappeler que par définition, la religion est – et doit être – le miroir de la paix du ciel sur terre. La religion est appelée à transmettre la paix, la fraternité et la justice, et quiconque a expérimenté la rencontre de l'âme avec le sacré vit à jamais imprégné de paix.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier PidouxMonseigneur Damaskinos est à la tête du Diocèse métropolitain de Suisse depuis 1982. Il représente dans notre pays le Patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, la plus haute autorité du monde orthodoxe.
Photos: agence Ciric, Chemin des Mouettes 4, cp 405, 1001 Lausanne, tel 021/613 23 83, fax 021/ 613 23 84, ciric@cath.ch
Photos: agence Ciric, Chemin des Mouettes 4, cp 405, 1001 Lausanne, tel 021/613 23 83, fax 021/ 613 23 84, ciric@cath.ch §De nombreux observateurs affirment que le dialogue entre l'Eglise orthodoxe et l'Eglise catholique se trouve dans l'impasse.Je ne partage pas ce point du vue. La levée des anathèmes entre l'Eglise catholique romaine et le Patriarcat œcuménique de Constantinople dans les années 1960 a créé les conditions d'un dialogue qui se déroule de manière officielle depuis 1981. Ce dialogue n'a jamais cessé et les relations entre nos deux confessions évoluent favorablement. Bien sûr, des obstacles demeurent. Essentiellement la primauté juridique et l'infaillibilité du pape, de même que le statut des Eglises grecques-catholiques, appelées uniates, qui restent fidèles à Rome mais pratiquent la liturgie orthodoxe.
§Sur le terrain, il y a pourtant une autre pomme de discorde: le zèle des missionnaires catholiques envoyés dans les pays de l'Est.En effet. On trouve aussi des missionnaires d'autres Eglises. Je crois que ce phénomène découle du fondamentalisme religieux qui prend toujours plus d'ampleur, particulièrement en ex-Union soviétique, et qui touche toutes les confessions, y compris les orthodoxes et les protestants. C'est la conséquence fâcheuse de septante ans de communisme où le sentiment national des différentes républiques composant l'URSS n'a jamais pu s'exprimer. Ce nationalisme qui a été brimé pendant si longtemps s'insinue aujourd'hui dans tous les aspects de la vie publique, y compris dans la vie religieuse. C'est ainsi qu'on trouve de nombreux communistes parmi les défenseurs de la religion orthodoxe. En fait, ils connaissent mal l'orthodoxie, mais ils l'utilisent à des fins politiques et nationalistes.
§Comment débloquer la situation?Il appartient au clergé orthodoxe d'adapter son message à la nouvelle donne issue de l'effondrement du communisme. Ce n'est pas chose facile, car certains milieux orthodoxes ne comprennent pas l'importance du dialogue œcuménique. Plusieurs estiment qu'un tel dialogue équivaut à une trahison ou à une perte de temps. De plus, les fondamentalistes empoisonnent l'atmosphère avec des publications qui n'expriment pas la foi authentique orthodoxe.
§Le dialogue entre les chrétiens d'Orient et d'Occident n'a-t-il pas également souffert de l'intervention de l'OTAN en ex-Yougoslavie?Certainement. Ce sont les grandes puissances occidentales qui ont défini les critères justifiant la guerre. Et l'on n'a pas vraiment compris les raisons de l'intervention militaire contre la Serbie, alors que d'autres nettoyages ethniques sont en cours de par le monde sans que cela n'émeuve l'OTAN. Dès lors, il s'est trouvé des gens pour penser qu'il s'agissait d'une attaque sélective de l'occident chrétien contre l'orthodoxie. Personnellement, ce n'est pas ma vision des choses, mais on pouvait légitimement avoir l'impression qu'en ex-Yougoslavie, les Occidentaux avaient cédé à une volonté aveugle d'exploiter leur suprématie pour créer un nouvel ordre, en soi mal conçu, en Europe de l'est.
§Faut-il s'attendre à des conflits confessionnels en Europe de l'est?Il y a surtout lieu de s'inquiéter de la situation en ex-Yougoslavie. On constate que les belligérants ont exploité à l'envi les tensions nationalistes et confessionnelles avec pour résultat la destruction de la cohésion sociale et une grande incertitude sur les possibilités d'une coexistence entre ces différents peuples.
§On en revient donc toujours au problème de fond qui est celui de la manipulation de la religion?Absolument. D'où l'importance de la Fondation pour le dialogue interreligieux et interculturel créée l'an passé à Genève, qui a pour but de favoriser la compréhension et la tolérance entre le christianisme, l'islam et le judaïsme. Nous voulons mettre à la disposition des fidèles une information non partisane capable de faire échec aux tentatives de récupérations politiques de la religion. Nous tenons aussi à rappeler que par définition, la religion est – et doit être – le miroir de la paix du ciel sur terre. La religion est appelée à transmettre la paix, la fraternité et la justice, et quiconque a expérimenté la rencontre de l'âme avec le sacré vit à jamais imprégné de paix.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier PidouxMonseigneur Damaskinos est à la tête du Diocèse métropolitain de Suisse depuis 1982. Il représente dans notre pays le Patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, la plus haute autorité du monde orthodoxe.
Photos: agence Ciric, Chemin des Mouettes 4, cp 405, 1001 Lausanne, tel 021/613 23 83, fax 021/ 613 23 84, ciric@cath.ch