Quitter l'Eglise: question de conviction, question de sous
16 juin 2000
2721 personnes ont quitté l'Eglise protestante Berne-Jura en 1999 pour motifs religieux et économiques
Peuvent-elles se marier à l'Eglise, baptiser leurs enfants, enterrer leurs proches? Doivent-elles payer ces actes ecclésiastiques? Autant de questions qui se posent avec acuité dans l'ensemble de la Suisse2721 personnes ont quitté L'Eglise protestante Berne-Jura pour la seule année 1999. Ce qui porte à 25525 le total des sorties pour la période 1990-1999, selon les statistiques officielles de l'Union synodale Berne-Jura (USBJ). Dans la majorité des cas, les raisons invoquées sont économiques et religieuses. Face à cette réalité, l'USBJ a interpellé la Fédération des Eglises protestantes de Suisse pour qu'elle se saisisse du dossier et définisse une stratégie au niveau national. Qu'elles arrivent en rafales ou au compte-gouttes, ces démissions soulèvent de nombreux problèmes. Ces personnes ont-elles encore droit au mariage ou à un enterrement religieux? Leurs enfants peuvent-ils participer au catéchisme? Faut-il envisager des célébrations payantes? Autant de questions restées sans réponse et qui s'ajoutent à l'inquiétude de voir si peu de fidèles aux cultes.
§Argent et croyancesPremier constat: l'argent constitue un facteur important. Plus les fidèles ont mal au porte-monnaie, plus le nombre de sorties est élevé. Dans le canton de Berne où l'impôt ecclésiastique représente en moyenne 10% de l'impôt cantonal, les démissionnaires sont nombreux. En revanche, elles sont rares à Neuchâtel et Genève où l'Eglise, séparée de l'Etat, offre ses service à la population toute entière et tire ses ressources d'une contribution ecclésiastique dont doit s'acquitter spontanément la population protestante. Une telle situation favorise "la resquille", puisque tout le monde peut bénéficier des prestations de l'Eglise sans débourser le moindre centime.
Second constat: Les déçus du protestantisme se tournent en nombre vers les communautés évangéliques – baptistes, pentecôtistes, adventistes - où l'on manifeste sa foi de façon plus militante, "entre convaincus". Il y a aussi celles et ceux qui deviennent Témoins de Jéhovah: "Je suis atteinte d'une maladie grave. Lire la bible comme le font les Témoins de Jéhovah m'aide beaucoup. Je n'ai pas de regret et vais de l'avant dans l'espérance", explique Evelyne. Dernières catégories, l'absence d'intérêt pour la religion et les sorties à connotation politique, à l'instar de la paroisse catholique de Belfaux que plusieurs personnes ont quittée avec fracas en signe de protestation contre la construction d'un centre paroissial "trop onéreux".
§Rites sous conditionsMais l'enjeu principal réside dans les conséquences pastorales. Les Eglises protestantes adoptent une attitude assez libérale vis-à-vis des "démissionnaires". Elles acceptent de célébrer les baptêmes, mariages et enterrements, ou de donner le catéchisme. Elles s'estiment au service de la population toute entière, et non de leurs seuls membres. Sur le plan théologique, elles reconnaissent une appartenance imprescriptible à l'Eglise, acquise au moment du baptême et que ne remet pas en cause une décision ultérieure de sortie.
Mais la réalité est quelque peu différente, puisque dans les faits, la décision finale appartient au pasteur qui peut fort bien refuser de célébrer un mariage, s'il pense que la bénédiction nuptiale n'est pas prise au sérieux. Selon un récent rapport de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) qui concerne surtout la Suisse alémanique, pas moins d'un mariage sur cinq demandé par un couple sans confession ou ayant démissionné de l'Eglise est refusé: "Le mariage est le sacrement le plus en danger de devenir un rituel superficiel, les époux pouvant avant tout rechercher un beau décor", commente l'étude de la FEPS.
§Âpres discussionsLes baptêmes donnent aussi lieu à d'âpres discussions. 41% des demandes de baptêmes émanant de personnes sans confession ou ayant démissionné de l'Eglise sont repoussées. Et sur les 59% acceptées, 41% l'étaient à condition que l'enfant devienne membre de l'Eglise: "Il est difficile de donner le baptême si l'on n'est pas membre de l'Eglise, note l'étude de la FEPS, car la promesse de donner une éducation chrétienne à l'enfant a peu de chance d'être tenue. Mais d'un autre côté, l'ouverture généreuse a souvent entraîné une attitude positive nouvelle des parents envers l'Eglise".
En revanche, c'est un oui enthousiaste pour accepter un enfant sans appartenance religieuse au catéchisme: "L'enfant doit avoir la possibilité de s'exercer à la foi et recevoir des informations sur la foi chrétienne, souligne l'étude de la FEPS. Ainsi, il pourra décider plus tard s'il veut adhérer à l'Eglise ou pas". Même unanimité pour les services funèbres dans la mesure où, par nature, ils s'adressent à la famille du défunt.
§Baptiser, enterrer gratis?Quant à facturer les actes ecclésiastique, la pratique existe déjà. Selon l'étude de la FEPS, environ 10% des mariages d'époux sans confession ou ayant quitté l'Eglise ont été célébrés contre émoluments pour l'Eglise. Pour le catéchisme d'un enfant sans confession, on sollicite aussi souvent la participation financière des parents. Et en cas d'enterrement, cérémonie coûteuse s'il en est, les pasteurs en appellent à la solidarité par un don, sans pourtant en faire une condition sine qua non. Mais force est de constater que l'idée fait son chemin, spécialement dans les cantons catholiques où les Eglises protestantes minoritaires disposent de moins de moyens: "L'idée de facturer les actes ecclésiastiques est à l'étude en Valais", relève Philippe Maire, Président de l'Eglise protestante valaisanne.
Pour mettre fin au flou artistique, tout le monde se tourne vers la Fédération des Eglises protestantes de Suisse et lui demande de proposer des pratiques uniformes au niveau national. Tâche difficile et parsemée de questions fondamentales: l'Eglise est-elle un service public ou une communauté qui se soucie uniquement de ses membres? Peut-elle fonctionner sur les mêmes principes qu'une entreprise privée? Comment s'accommoder de la mentalité de marché? C'est sans doute le prix à payer pour justifier un engagement auprès de toute la population, sans exclusive confessionnelle.
§Argent et croyancesPremier constat: l'argent constitue un facteur important. Plus les fidèles ont mal au porte-monnaie, plus le nombre de sorties est élevé. Dans le canton de Berne où l'impôt ecclésiastique représente en moyenne 10% de l'impôt cantonal, les démissionnaires sont nombreux. En revanche, elles sont rares à Neuchâtel et Genève où l'Eglise, séparée de l'Etat, offre ses service à la population toute entière et tire ses ressources d'une contribution ecclésiastique dont doit s'acquitter spontanément la population protestante. Une telle situation favorise "la resquille", puisque tout le monde peut bénéficier des prestations de l'Eglise sans débourser le moindre centime.
Second constat: Les déçus du protestantisme se tournent en nombre vers les communautés évangéliques – baptistes, pentecôtistes, adventistes - où l'on manifeste sa foi de façon plus militante, "entre convaincus". Il y a aussi celles et ceux qui deviennent Témoins de Jéhovah: "Je suis atteinte d'une maladie grave. Lire la bible comme le font les Témoins de Jéhovah m'aide beaucoup. Je n'ai pas de regret et vais de l'avant dans l'espérance", explique Evelyne. Dernières catégories, l'absence d'intérêt pour la religion et les sorties à connotation politique, à l'instar de la paroisse catholique de Belfaux que plusieurs personnes ont quittée avec fracas en signe de protestation contre la construction d'un centre paroissial "trop onéreux".
§Rites sous conditionsMais l'enjeu principal réside dans les conséquences pastorales. Les Eglises protestantes adoptent une attitude assez libérale vis-à-vis des "démissionnaires". Elles acceptent de célébrer les baptêmes, mariages et enterrements, ou de donner le catéchisme. Elles s'estiment au service de la population toute entière, et non de leurs seuls membres. Sur le plan théologique, elles reconnaissent une appartenance imprescriptible à l'Eglise, acquise au moment du baptême et que ne remet pas en cause une décision ultérieure de sortie.
Mais la réalité est quelque peu différente, puisque dans les faits, la décision finale appartient au pasteur qui peut fort bien refuser de célébrer un mariage, s'il pense que la bénédiction nuptiale n'est pas prise au sérieux. Selon un récent rapport de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) qui concerne surtout la Suisse alémanique, pas moins d'un mariage sur cinq demandé par un couple sans confession ou ayant démissionné de l'Eglise est refusé: "Le mariage est le sacrement le plus en danger de devenir un rituel superficiel, les époux pouvant avant tout rechercher un beau décor", commente l'étude de la FEPS.
§Âpres discussionsLes baptêmes donnent aussi lieu à d'âpres discussions. 41% des demandes de baptêmes émanant de personnes sans confession ou ayant démissionné de l'Eglise sont repoussées. Et sur les 59% acceptées, 41% l'étaient à condition que l'enfant devienne membre de l'Eglise: "Il est difficile de donner le baptême si l'on n'est pas membre de l'Eglise, note l'étude de la FEPS, car la promesse de donner une éducation chrétienne à l'enfant a peu de chance d'être tenue. Mais d'un autre côté, l'ouverture généreuse a souvent entraîné une attitude positive nouvelle des parents envers l'Eglise".
En revanche, c'est un oui enthousiaste pour accepter un enfant sans appartenance religieuse au catéchisme: "L'enfant doit avoir la possibilité de s'exercer à la foi et recevoir des informations sur la foi chrétienne, souligne l'étude de la FEPS. Ainsi, il pourra décider plus tard s'il veut adhérer à l'Eglise ou pas". Même unanimité pour les services funèbres dans la mesure où, par nature, ils s'adressent à la famille du défunt.
§Baptiser, enterrer gratis?Quant à facturer les actes ecclésiastique, la pratique existe déjà. Selon l'étude de la FEPS, environ 10% des mariages d'époux sans confession ou ayant quitté l'Eglise ont été célébrés contre émoluments pour l'Eglise. Pour le catéchisme d'un enfant sans confession, on sollicite aussi souvent la participation financière des parents. Et en cas d'enterrement, cérémonie coûteuse s'il en est, les pasteurs en appellent à la solidarité par un don, sans pourtant en faire une condition sine qua non. Mais force est de constater que l'idée fait son chemin, spécialement dans les cantons catholiques où les Eglises protestantes minoritaires disposent de moins de moyens: "L'idée de facturer les actes ecclésiastiques est à l'étude en Valais", relève Philippe Maire, Président de l'Eglise protestante valaisanne.
Pour mettre fin au flou artistique, tout le monde se tourne vers la Fédération des Eglises protestantes de Suisse et lui demande de proposer des pratiques uniformes au niveau national. Tâche difficile et parsemée de questions fondamentales: l'Eglise est-elle un service public ou une communauté qui se soucie uniquement de ses membres? Peut-elle fonctionner sur les mêmes principes qu'une entreprise privée? Comment s'accommoder de la mentalité de marché? C'est sans doute le prix à payer pour justifier un engagement auprès de toute la population, sans exclusive confessionnelle.