Séisme dans le monde missionnaire protestant

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Séisme dans le monde missionnaire protestant

17 avril 2000
La KEM (Kooperation Evangelischer Kirchen und Missionen) qui fédère différentes institutions missionnaires protestantes de Suisse alémanique affronte une crise financière sans précédent, qui l'a obligée à licencier 30% de son personnel
La Kooperation Evangelischer Kirchen und Missionen (KEM) traverse la pire tempête de son histoire. Fédérant différentes institutions missionnaires protestantes alémaniques pour lesquelles elle récolte des fonds, elle a dû procéder en début d'année à des coupes drastiques dans ses budgets. Une Task Force a été nommée pour mettre sur pied des mesures d'urgence. Résultat: 30% de licenciements et 15% de départ naturel, assortis d'un plan social de 600'000 francs, soit une diminution de personnel de 45% !

La crise qui couvait depuis quelques mois s'est nouée en octobre dernier quand la Basler Mission (Mission de Bâle) s'est retirée de la KEM en signe de désaccord avec une gestion financière ayant conduit à une chute des recettes de plus de 50%, en deux ans à peine. Ce départ a créé un vide considérable, privant la KEM de 70% de ses moyens financiers et de 85% de ses collaborateurs. Du coup, elle n'arrive plus à tenir ses promesses de versements vis-à-vis de ses membres et partenaires – Mission d'Afrique du Sud, Communauté d'Eglises en mission (ceva), Mission d'Asie du Sud-est: sur les 2,3 millions de francs budgétés, seul 1,3 million de francs a pu être redistribué. D'où une inquiétude grandissante, notamment au Département Echange et Mission (DM) des Eglises protestantes de Suisse romande qui a ainsi vu s'évanouir 500'000 francs de recettes. Un manque à gagner qui ralentit ses engagements sur le terrain, et, s'il se répète, pourrait forcer le DM à restreindre son volume d'activités.

§L'entraide écrase la missionA la racine du mal, il y a la concurrence que se livrent les différentes institutions charitables - Entraide protestante, Terre des hommes, Swissaid, Chaîne du bonheur, Caritas, etc. - toujours plus nombreuses sur le marché de la générosité. Pour attirer des dons, on met en avant des images coups de poing de détresse humaine.

A l'évidence, le travail missionnaire dans les pays du Tiers-Monde n'entre pas de cette catégorie. L'aide aux écoles, aux facultés de théologie, au fonctionnement

d' Eglises partenaires et aux centres de santé ont peu d'impact face au tragique du Mozambique dévasté par les inondations. En chiffres, le fossé est impressionnant: l'Entraide protestante (EPER) spécialisée dans l'aide d'urgence fonctionne avec un budget annuel de 60 millions de francs, tandis que le Département Echange et Mission (DM) romand et la KEM – équivalent du DM Outre-Sarine - engrangent à eux deux environ 13 millions de francs.

Difficulté supplémentaire pour la KEM: le moindre intérêt des protestants alémaniques pour la cause missionnaire par rapport aux protestants romands qui restent de fidèles soutiens. Conséquence, la KEM doit effectuer de fréquentes campagnes de sensibilisation dans les Eglises alémaniques. Autant d'opérations qui coûtent cher et ne se concrétisent pas nécessairement par un afflux de dons supplémentaires.

§Fusions envisagéesDevant cette cascade de problèmes, une transformation radicale de la KEM paraît inévitable. A commencer par une refonte complète de ses statuts lui assignant actuellement des exigences partiellement contradictoires: récolter des fonds pour les missions dans les pays du Sud et sensibiliser les Suisses à la nécessité d'un engagement missionnaire, avec le risque permanent de sacrifier l'un aux dépens de l'autre.

Des tractations sont en cours pour la constitution d'une oeuvre missionnaire unique au plan suisse, résultat de la fusion des cinq membres de la KEM. Le projet fait l'unanimité, ne buttant que sur des questions de modalités: réaliser la fusion d'ici 2001 ou attendre le retour de la Basler Mission au sein de la KEM. La prochaine Assemblée générale de la KEM en juin prochain sera à cet égard décisive.

Quoi qu'il advienne, une telle évolution reflète le mouvement de concentration qui traverse les œuvres protestantes d'entraide et de mission depuis la fin des années 1980. Cette dynamique initiée par les Eglises suisses, qui désirent avoir un seul et même interlocuteur, a déjà abouti au regroupement de Pain pour le prochain (PPP), de l'Entraide protestante suisse (EPER), du Département Echange et Mission (DM) et de la KEM au sein du "Conseil Terre Nouvelle". Ce n'est qu'un début. En effet, les quatre institutions envisagent depuis 1995 de se doter d'une personnalité juridique unique, soit l'antichambre de la fusion, même si ce processus est actuellement mis à mal par les soubresauts qui agitent la KEM.