De la bombe à la bible: récit d'une réconciliation

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De la bombe à la bible: récit d'une réconciliation

7 avril 2000
Billy McFetridge a semé la mort en Irlande du Nord
Actif au sein de l'"Ulster Defence Association", un groupe paramilitaire hostile à l'IRA, il a été condamné à 12 ans de prison. Libéré en 1987, devenu révérend de l'Eglise anglicane, il s'engage comme aumônier de rue et des prisons. Rencontre lors de sa récente conférence à l'Université de Lausanne."Regardez-moi. Un terroriste est un homme comme tout le monde", lance Billy McFetridge à son auditoire. Convivial et enjoué, le ton devient plus grave quand il se met à conter son parcours aux confins de la violence politique. Il entre en 1973 dans l'"Ulster Defence Association"(UDA) un groupe paramilitaire hostile aux républicains de l'IRA. Pendant sept ans, il participe aux attentats qui ensanglantent les quartiers catholiques de Belfast. Convaincu par l'option terroriste, il s'engage pour une Irlande du Nord britannique et protestante, poussé aussi par la haine de l'IRA qui a assassiné froidement deux de ses amis. McFetridge est un rouage essentiel de l'UDA: grâce à ses six années passées dans l'armée britannique, il sait manier les armes et les explosifs comme des jouets. Il transforme la maison de ses parents en centre de formation à la guérilla. Avec un sang-froid déconcertant, il s'active chaque nuit à la recherche de matériel et d'argent.

Mais nombre de ses missions échouent, soit que la bombe n'explose pas, soit que la victime ne soit pas là où il l'attendait. Une nuit, énervé par plusieurs heures de vaine embuscade, il décide de vider son chargeur sur un passant. Il tire mais le badaud complètement ivre titube sous l'effet de l'alcool et ses zigzags lui permettent d'éviter les balles: "Rétrospectivement, j'y vois l'intervention de Dieu qui m'a empêché de tuer quelqu'un de mes propres mains. De toute ma carrière de terroriste, je n'ai en fait jamais tué personne. C'est à Dieu que je le dois". Dans le collimateur de l'IRA, il réchappe miraculeusement au plastiquage de son domicile. Il développe alors le comportement paranoïaque des personnes traquées, examinant sa voiture avant chaque trajet, vérifiant constamment s'il n'est pas suivi, montant au quatrième étage quand il habite au troisième afin de déjouer d'éventuels agresseurs. "La seule chose qui comptait, c'était de survivre". Il est finalement arrêté en 1980 et doit répondre de 58 chefs d'accusation. Il écope de douze ans de prison: "J'ai vécu mon arrestation comme un soulagement, je n'avais plus besoin de fuir perpétuellement". Sa famille découvre à cet instant la vérité : "Je menais cette double-vie à leur insu. J'ai exploité ma femme et mes parents pour mes affaires terroristes".

§RenaissanceConfiné dans une cellule, il mesure l'ampleur du gâchis: "Le constat était accablant, j'avais foutu ma vie en l'air". Mais la prison lui donne aussi des signes d'espoir: terroristes de l'IRA et de l'UDA y étudient ensemble la bible. Alors que les deux clans s'entre-tuaient dans les rues de Belfast, ils arrivent à se réunir autour d'une Bible. Billy McFetridge acquiert la conviction que la réconciliation est possible entre catholiques et protestants, et qu'il lui faut œuvrer dans ce sens. Surtout, il comprend que Dieu ne laisse jamais tomber personne, même les hommes qui ont commis les plus graves erreurs: "Je voulais obtenir une deuxième chance. Dieu me l'a donnée. Et je ne suis pas le seul. Dans cette prison de haute sécurité, Il n'y avait pas moins de 500 détenus chrétiens, tous d'anciens terroristes endurcis!". Billy McFetridge adhère aux "listeners", des détenus effectuant un travail d'écoute pour soulager les difficultés, les tourments, les angoisses de leurs compagnons d'infortune, et pour désamorcer les envies de suicide: "Il existe une immense solidarité en prison. Aujourd'hui encore, quand je rends visite à des prisonniers chrétiens dans le cadre de mon ministère pastoral, je commence par les réconforter, puis ils me le rendent au centuple par leurs encouragements et leur chaleur".

Libéré en 1987, Billy McFetridge effectue des études bibliques qui lui permettent d'adhérer au clergé de l'Eglise anglicane. Il exerce la majeure partie de son ministère dans les prisons ou dans la rue, notamment pendant deux ans à Zurich où il a accompagné des toxicomanes et des alcooliques. Il donne également de nombreuses conférences dans les écoles et Universités du monde entier, toujours accompagné d'un catholique irlandais qui symbolise l'ennemi d'hier et démontre que la réconciliation n'est jamais impossible: "Il y a quelques années, je donnais des conférences avec un ex-membre de l'IRA. Le symbole était encore plus puissant. A force de passer du temps ensemble, de rencontrer sa famille, nous avons appris à nous aimer. C'est la grâce de Dieu de nous offrir le pardon. Et c'est gratuit!".