Les animaux aussi se sacrifient

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Les animaux aussi se sacrifient

ALTRUISME
Chez certaines espèces de fourmis, d’abeilles, d’oiseaux ou de mammifères, on observe des comportements altruistes qui ressemblent à des sacrifices personnels. Mais il est délicat de comparer ces actes avec les attitudes humaines.

Nous les êtres humains n’avons pas le monopole des comportements de sacrifice. Au contraire, les attitudes altruistes sont très prononcées chez certaines espèces d’insectes, dont les hyménoptères sociaux. Fourmis, abeilles et termites forment des colonies gigantesques au sein desquelles certains individus se sacrifient pour la survie de la communauté. L’abeille ouvrière, par exemple, meurt en piquant un intrus dans la ruche, car elle ne peut retirer son dard cranté planté dans la chair de son adversaire.

Apparente moralité

Faut-il dès lors supposer qu’il existe une morale chez les insectes? Ces derniers sont-ils doués d’une volonté généreuse envers leur prochain? Ni Christine Clavien, philosophe des sciences à l’Université de Genève, ni Laurent Keller, spécialiste mondialement connu des insectes sociaux à l’Université de Lausanne, ne le croient une seule seconde! «Un comportement semblable chez les humains et les insectes n’appelle pas la même explication dans les deux cas», précise d’emblée Christine Clavien.

«L’explication des attitudes sacrificielles chez les insectes est d’ordre génétique», explique Laurent Keller, «elle ne suppose aucune décision libre de la part des individus. Le comportement altruiste de ces animaux est déterminé par leurs gènes en raison de l’avantage reproductif qu’il confère à l’ensemble de la colonie. Derrière ces comportements d’apparence altruiste se cache la logique implacable de la transmission des gènes, commandée par la sélection naturelle».

Oiseaux, mammifères et humains

L’attitude des oiseaux et des mammifères, qui prennent soin de leurs petits parfois jusqu’à l’épuisement et en prenant des risques énormes, fonctionne différemment de celle des insectes. Ces animaux sont dotés d’une intelligence qui leur permet de faire des choix plus complexes, et les mammifères sont, comme les humains, doués d’émotions. Pourtant, Laurent Keller souligne qu’en biologie, on ne parle pas d’altruisme lorsqu’il s’agit d’un sacrifice réalisé en faveur de ses petits. Tout ce qui permet d’augmenter sa «fitness reproductive», c’est-à-dire la transmission de ses gènes à sa descendance directe, n’est pas réellement altruiste. Un comportement est appelé altruiste en biologie «uniquement lorsqu’il diminue le nombre de bébés qu’un individu va générer, à la faveur d’un autre», clarifie le biologiste.

Même ainsi définis, les comportements altruistes concernent des milliers d’espèces animales, dont… l’être humain. Selon Laurent Keller, «nous sommes le produit de nos gènes comme les autres espèces animales», mais le chercheur reconnaît que «nous devons être responsables de nos actes». Christine Clavien considère aussi que nos sentiments d’empathie ont une base génétique, mais à ses yeux «nos choix conscients nous permettent de dépasser nos pulsions biologiques, pour le meilleur et pour le pire».