La solidarité change, mais ne disparaît pas!

La solidarité change, mais ne disparaît pas! / ©iStock
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La solidarité change, mais ne disparaît pas!
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La solidarité change, mais ne disparaît pas!

Engagement
Concurrencées par les réseaux sociaux, soumises à des exigences nouvelles, les associations font face à des défis inédits.

Déménagements, changements familiaux ou professionnels: aujourd’hui, un parcours de vie compte presque inévitablement nombre de mutations. Tout comme le travail a dû s’adapter à un monde où pour ainsi dire plus personne ne fait toute sa carrière dans la même entreprise, le bénévolat et les activités indemnisées font face aux mêmes défis! «Le bénévolat à l’ancienne, où l’on s’engageait localement, proche de sa communauté d’appartenance et pour plusieurs années, tend à disparaître», constate Sandrine Pache, coordinatrice du pôle associatif et bénévolat de l’association Bénévolat Vaud. «C’est un vrai défi en particulier dans le domaine du sport», donne-t-elle comme exemple. «Les jeunes adultes partent et il y a un trou dans la pyramide des âges des clubs. Le monitorat est à la peine.» La rémunération de certaines fonctions assurées autrefois par des bénévoles semble devenir inéluctable.

«Par ailleurs, on est à une époque où les jeunes apprennent peut-être plus que les générations précédentes que leur travail a une valeur monétaire et où l’on valorise un peu moins l’engagement collectif», estime aussi Sandrine Pache. Les chiffres sont toutefois relativement stables. Les Suisses auraient consacré en moyenne 1,5 heure par semaine à du travail bénévole en 2020 contre 1,6 en 2016, selon l’OFS. Une nouvelle étude sur ce thème aura lieu en 2024 et ses résultats seront connus en 2025.

Une solidarité encore vive

«La crise du Covid a été une expérience en grandeur nature», souligne Sandro Cattacin. Chercheur au département de sociologie de l’Université de Genève, il a mené diverses recherches, notamment dans les domaines du bénévolat et des associations de migrants en Suisse. «Malgré l’individualisme, la solidarité informelle s’est mise en place spontanément.»

Si l’engagement formel est en diminution depuis quarante ans, de nouvelles formes d’engagement voient le jour. «Lorsque nous menons des entretiens, les personnes ont tendance à minimiser leurs engagements bénévoles. Elles n’évoquent pas un certain nombre d’activités qui font partie de leur vie, comme le baby-sitting pour des amis ou les courses pour des voisins», évoque le sociologue. «En fait, aujourd’hui, un groupe WhatsApp ou Messenger est l’équivalent fonctionnel d’une association. En beaucoup plus rapide! Au lieu de s’approcher des associations d’immigrés, un jeune Italien qui arrive à Genève pourrait chercher sur Facebook les groupes d’Italiens dans la ville et obtenir toute l’aide dont il peut avoir besoin par ce biais», explique le chercheur. «Mes assistants, par exemple, jouent au basket ensemble. Ils ont un groupe WhatsApp. Ils peuvent même organiser des tournois, ce qui auparavant était impossible sans passer par une organisation.»

Les bénévoles veulent que leur avis soit pris en compte

Une exigence d’horizontalité

Sandro Cattacin voit naître une attitude critique vis-à-vis des organisations. «Notre société marquée par l’individualisme réclame des organisations efficaces et davantage d’horizontalité dans les structures de décision.» Sandrine Pache abonde: «Les organisations sur les nouveaux médias fonctionnent tant qu’il n’y a pas d’argent en jeu. Dès qu’ils demandent des subventions ou à ouvrir un compte postal, ces groupes doivent se formaliser. Et c’est exigeant de gérer des bénévoles. Ils veulent optimiser leur temps et attendent donc des structures efficaces, que leurs activités aient du sens et ils souhaitent également que leur avis soit pris en compte.» La solution des pools de bénévoles porte ses fruits dans certains domaines: par exemple, les associations sportives d’une région s’entraident et les bénévoles du club de foot gèrent le parking quand les nageurs et nageuses organisent un événement, et réciproquement.

Sandrine Pache souligne toutefois qu’il n’est pas nouveau que des associations soient en crise ou disparaissent. «Dans le domaine des engagements idéaux, les objectifs et motivations peuvent différer d’une génération à l’autre. Ainsi, à la fin des années 1990, les associations LGBT pouvaient être les seuls lieux de rencontre d’une frange de la population et de nombreux droits étaient revendiqués. Avec les évolutions de la société et les nouveaux médias, elles ont dû se réinventer. Les associations traversent des crises, mais s’en relèvent aussi grandies et renouvelées.»

Quelques ressources

  • Envie de vous engager? www.benevol-jobs.ch regroupe des offres de bénévolat
  • «Les jeunes ont toujours besoin d’idéaux et un nombre non négligeables d’entre eux s’engagent sans compter dans des projets novateurs, souvent les leurs d’ailleurs», souligne Sandrine Pache. www.anousdejouer.ch
  • Quel est l’âge des bénévoles dans un domaine donné? Quel pourcentage de femmes? Quelles motivations sont mises en avant par les bénévoles? Réalisées en partenariat avec l’OFS, les «factsheets» de l’observatoire du bénévolat sont passionnantes.
  • De la valise en carton au web, le réseau social des Italiens en Suisse. En italien seulement: Dalla valigia di cartone al web, Sandro Cattacin, Irene Pellegrini, Toni Ricciardi, Donzelli editore, 2022.