Des chrétiens s’allient pour une finance verte

Le prêtre tiktokeur Matthieu Jasseron invite à investir avec conscience. / ©DR
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Le prêtre tiktokeur Matthieu Jasseron invite à investir avec conscience.
©DR

Des chrétiens s’allient pour une finance verte

Doute
A Genève, le Conseil œcuménique des Eglises réunit une coalition mondiale d’acteurs religieux et laïques pour faire pression sur les banques, afin qu’elles réduisent leurs investissements dans les énergies fossiles.

«Au niveau mondial, si les Eglises possèdent environ 100 milliards, que le patrimoine moyen d’un chrétien, c’est 2200 dollars, on peut estimer, en multipliant par le nombre potentiel de chrétiens, qu’environ 5000 milliards de dollars ne sont pas investi dans des projets faisant du bien à notre avenir.» Matthieu Jasseron est prêtre star sur TikTok et a participé à un webinaire (formation et conférence en ligne) du Conseil œcuménique des Eglises en mai dernier. Son présupposé: l’argent placé en banque aujourd’hui ne finance pas suffisamment de projets écologiques, et continue au contraire à soutenir les industries fossiles. Sur ce point, les chiffres sont encore plus délicats à avancer.

Financement indirect

Au niveau mondial, «les banques ont financé les industries fossiles depuis des décennies», pointe Shawna Foster, membre de l’ONG Banking on Climate Chaos. Aujourd’hui, si les investissements écologiques connaissent un réel essor, ils ne sont pas encore standardisés. Et bien que l’évolution des réglementations et de la sensibilité des consommateurs rende plus difficile le financement de projets fossiles, «les banques continuent d’intervenir, mais de manière indirecte. Elles ne financent peut-être pas un projet, mais des acteurs secondaires (fabricants de tuyaux pour les pipelines, etc.). En ce sens, elles continuent à façonner l’environnement des industries fossiles», assure Shawna Foster.

Le Conseil œcuménique des Eglises tente de construire une coalition d’activistes chrétiens, mais aussi musulmans, juifs et laïques, pour réfléchir aux choix financiers et les modifier. L’approche est résolument morale. A la rencontre de mai, le COE a fait intervenir Paloma Escudero, conseillère spéciale de l’Unicef pour la défense des enfants et l’action climatique. «Un milliard d’enfants sont affectés par le changement climatique, 600 millions sont exposés aux cyclones, 820 millions aux vagues de chaleur. Les enfants sont plus touchés. Comparés aux adultes, ils ont davantage besoin d’eau et de calories, et sont davantage exposés aux produits chimiques. Ils nécessitent une protection particulière pour survivre. C’est une question d’équité. Les enfants sont les moins responsables et souffrent le plus», a plaidé la responsable.

Echange de conseils et de techniques

Le séminaire a permis aux participants d’échanger tous les conseils et techniques déjà existants à travers le monde: lettres types à envoyer aux banques ou aux gestionnaires d’actifs, pour les particuliers. Des responsables d’Eglises ont partagé les questions qu’ils soumettaient aux institutions auprès desquelles il choisissaient de placer leurs fonds. Aux Etats-Unis, des plateformes permettant facilement de changer de banque sur critères écologiques se développent (Switch It Green)... Mais l’approche n’est pour l’heure pas à la confrontation. «On veut savoir où va notre argent, prendre des décisions financières plus informées, ouvrir une conversation. Le but est d’avoir des banques qui réussissent cette conversion et deviennent toujours meilleures!», explique une participante.

D’autres cependant voient plus loin. L’ONG allemande Leave It In the Ground Initiative veut prévenir les prochains projets impliquant des énergies fossiles. Et le COE y pense aussi. «A moyen et long terme, nous envisageons des mesures juridiques. Investir dans de nouveaux forages en sachant ce que cela représente pour l’augmentation du CO2, et donc les souffrances et morts liées au réchauffement climatique, doit être reconnu comme un crime contre les enfants et les générations futures», explique Frédérique Seidel, responsable de ce projet pour le COE.