Afrique du Sud: les évangéliques réfléchissent à leur avenir

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Afrique du Sud: les évangéliques réfléchissent à leur avenir

15 octobre 2010
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Médaille du collier de l'ordre du Saint-Esprit (France) © Wikicommons Plus de 4000 délégués venus des quatre coins du monde se rassembleront au Cap en Afrique du Sud dès le dimanche 17 octobre et jusqu'au 24 octobre à l’occasion de la troisième « Conférence de Lausanne ». Théologiens, missionnaires ou pasteurs réfléchiront ensemble à l'avenir de la mission du courant évangélique du protestantisme.

Par Christian Willi, rédacteur en chef du Christianisme Aujourd'hui

Les évangéliques n'ont pas attendu la rencontre du Cap pour entamer leurs réflexions. Une consultation internationale a été lancée en 2009 déjà et plusieurs textes théologiques ont été mis en discussion sur internet. Pour le théologien et missiologue britannique Chris Wright, véritable artisan théologique de ce rassemblement, au-delà des travaux, les évangéliques ont surtout besoin d’une sorte de nouvelle Pentecôte.

Après un premier congrès à Lausanne en 1974 initié par l'évangéliste américain Billy Graham, et un autre à Manille en 1989, la troisième édition du Congrès de Lausanne au Cap revêt plusieurs enjeux nouveaux pour le mouvement évangélique.

Déplacement du centre de gravité

En bientôt quarante ans, le centre de gravité du développement du christianisme s'est déplacé du Nord au Sud. C'est aujourd'hui en Asie et en Afrique que le mouvement évangélique croît le plus. Et même si les Etats-Unis détiennent encore la palme du plus important soutien missionnaire, le plus grand réservoir de missionnaires est situé aujourd'hui en Asie.

Sur le plan théologique, la tension entre grâce (église non jugeante qui accueille tout le monde) et vérité (accueil sur condition) dans le rapport aux homosexuels ou à l’islam par exemple, entre lecture plutôt littérale ou plutôt figurative de la Bible par rapport à la science ou le conflit israélo-palestinien, et enfin entre un pôle doctrinal-conservateur et un autre charismatique constituent aujourd'hui les principaux points de débat.

De l'extérieur, Jacques Matthey, ancien secrétaire pour l’étude de la mission du Conseil oeucuménique des Eglises (COE), et Martin Hoegger, responsable des relations œcuméniques de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV), sont tous deux convaincus que la vocation et le rôle de l'Eglise dans l'évangélisation du monde constituent encore un enjeu supplémentaire et majeur du troisième Congrès de Lausanne.

Individualisation

En effet, le milieu évangélique a subi de plein fouet l’individualisation de la foi au cours des vingt dernières années. David Valdez, pasteur de l'Eglise évangélique FREE la Rochette, qui vient de consacrer une série de prédication à la Déclaration de Lausanne et qui participera au congrès, ajoute à cette question l'unité des chrétiens dans l'annonce de l'Evangile.

La Conférence du Cap se tissera autour de six thèmes principaux : la vérité évangélique , le ministère de réconciliation de l’Eglise, l’annonce de l’Evangile dans le pluralisme religieux, les priorités missionnaires , un appel à l’intégrité  et le partenariat Nord-Sud pour l’évangélisation du monde.

Ces thèmes seront repris dans la déclaration qui sera délivrée à l'issue du congrès. Le texte a été préparé minutieusement par un groupe de théologiens du monde entier, sous la direction de Chris Wright. Ce document sera complété lors du congrès et pourrait inspirer les évangéliques du monde entier pour les années à venir.

Délégation suisse

La Suisse sera représentée par une vingtaine de délégués, invités par le comité de sélection de la Schweizerische Evangelische Allianz et du Réseau Evangélique Suisse, organisations faîtières des évangéliques en Suisse et, à l'échelle internationale, partenaires de l'organisation du Congrès au Cap. La délégation helvétique compte essentiellement des représentants institutionnels ou d'œuvres missionnaires, des théologiens, pasteurs ou futurs pasteurs, ainsi que trois politiciens du Parti Evangélique (PEV).

Christian Kuhn, secrétaire général du Réseau Evangélique et responsable de la délégation, espère que « la Conférence de Lausanne au Cap débouche sur une vision renouvelée de l'évangélisation sur le plan international et qui profitera également au mouvement évangélique en Suisse. »


Une Déclaration qui fait référence depuis 1974


Le mouvement évangélique est connu pour sa diversité et son zèle missionnaire. Devant cette réalité, un groupe de responsables évangéliques emmené par l'évangéliste américain Billy Graham a organisé le Congrès international pour l'évangélisation du monde à Lausanne en 1974.

Près de 2300 participants de plus de 150 pays y avaient alors participé. Ce congrès a débouché sur la « Déclaration de Lausanne », le document moderne le plus fédérateur des forces évangéliques. Rédigée en grande partie par le théologien britannique John Stott, cette Déclaration a permis à tout un mouvement de se rassembler autour d’une même confession de foi et d’une même vision de la présence à la société.

Erreurs du passé


Ce document, qui reconnaissait les erreurs du passé, a largement favorisé la réconciliation de l'annonce du salut avec l'engagement diaconal. Proche d’une Constitution, cette Déclaration de Lausanne est devenu le document auquel se réfèrent des centaines d'organisations missionnaires et de mouvements d'Eglises dans le monde entier.

Ce premier congrès de 1974 avait en outre donné naissance au «Mouvement de Lausanne» afin de nourrir la vision, la coordination et l'unité des évangéliques dans le domaine de l'annonce de l'Evangile.
Deuxième congrès en demi-teinte

En 1989, un second Congrès de Lausanne a été organisé à Manille. Cette seconde édition a eu comme principal mérite d’intégrer à la réflexion - non sans certaines difficultés - la frange charismatique du mouvement évangélique. Le manifeste qui y a été adopté tenait en 21 affirmations claires et concises.

Il n'est pourtant jamais parvenu à éclipser la Déclaration de Lausanne de 1974. Pas étonnant selon Jacques Matthey: «La Déclaration de Lausanne fait pour moi partie des trois plus importants textes que le christianisme a produits sur le thème de la mission au 20e siècle, aux côtés de l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI et de l'affirmation œcuménique sur la mission et l'évangélisation de 1982. »

En 2010, les délégations de deux pays parviendront-elles à définir le socle de leur évangélisation pour les années qui viennent? Réponse dans quelques jours.INFOS

  • Les délégations suisses et françaises lancent un blog à l'occasion de leur participation au troisième Congrès de Lausanne au Cap en Afrique du Sud. Impressions, sessions vidéo en léger différé et informations pourront être suivies en direct sur : http://lausanne3.wordpress.com