La famille protestante réunie au Désert

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La famille protestante réunie au Désert

9 septembre 2010
Il y a autant d’Églises que de protestants, dit l’anecdote. Dimanche 5 septembre, entre 10 000 et 15 000 « parpaillots », selon les organisateurs, sont venus de France, de Suisse romande, des États-Unis, de Hollande, d’Angleterre et même d’Afrique du Sud. Des luthéro-réformés essentiellement mais aussi des évangéliques se sont rassemblés sous les mêmes chênes et ont chanté ensemble, soutenu par un orchestre et une chorale franco-allemande. Un miracle !


Les « camisards » sont les figures emblématiques de quelque cinq cent mille huguenots traqués, envoyés aux galères ou en exil pendant près d'un siècle après la révocation de l'Edit de Nantes en 1685. Le rappel de cet épisode permet aux protestants de célébrer depuis presque cent ans une cérémonie commune sous l’égide du Musée du Désert dans les Cévennes, à Mialet.

Des figures de femmes

Leurs descendants restent sensibles à l’appel du Désert. Cette année, les Romands étaient nombreux à faire le voyage. La prédication donnée par Vincent Schmid, pasteur de la cathédrale Saint-Pierre à Genève, n’y est pas étrangère. Genevois et Vaudois se sont croisés à Mialet, mais aussi dans la maison de Pierre et Marie Durand, deux figures de la résistance huguenote, ou dans la tour de Constance à Aigues-Mortes.

Gabrielle, de La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, descend à l’Assemblée du Désert depuis 25 ans. « Mon père me disait que nous étions d’anciens huguenots, confie-t-elle. C’est vital pour moi de venir ici. Je pense souvent à Marie Durand, cette femme qui a été enfermée dans cette tour pendant près de 40 ans sans jamais abjurer sa foi protestante. Cela me donne du courage dans les moments difficiles. » Elle est sensible à ce moment de partage sous les chênes. « Vous avez vu toute cette gentillesse ? », demande-t-elle, les yeux pétillants, avant de reprendre son chemin à la rencontre d’amis.

Manon, elle, est catholique, fait aussi partie du voyage. Elle avait un peu peur de ne pas se sentir à sa place, « car ce ne sont pas mes racines ». Elle s’est découverte à l’aise pendant le culte et a particulièrement apprécié les moments où des femmes pasteurs ont pris la parole. « J’ai un grand attachement à ce moment où les femmes entouraient le Christ. On oublie souvent que c’est Marie-Madeleine qui a annoncé la Résurrection. »

En revanche, le voyage s’est révélé plus difficile pour elle quand il a fallu entendre, lors des exposés historiques de l’après-midi, toutes les exactions commises par Louis XIV à l’encontre des huguenots et pris conscience de la responsabilité de l’Église catholique. « La foi ne devrait pas être mêlée à la politique. Mais les religions, avec leurs différentes facettes éthiques, ont toujours une portée politique », conclut-elle.

À peine l’Assemblée du Désert terminée, on songe à la prochaine édition. Pour marquer son centenaire, le Musée du Désert va en effet être agrandi. « Nous voulons raconter plus largement l’histoire du protestantisme et plus seulement nous limiter à la période du Désert », a expliqué Denis Carbonnier, le directeur du musée. Une tâche d’envergure.

Tania Buri