Australie: des aborigènes attirés par l'islam

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Australie: des aborigènes attirés par l'islam

14 septembre 2009
Sydney - Anthony Mundine, un boxeur aborigène, considéré comme l'un des plus grands sportifs australiens, a renoncé à la foi chrétienne pour se convertir à l'islam. Il considère le christianisme comme la religion des colonisateurs, qui l'ont écarté de sa culture d'origine.

Le boxeur titré et multimillionnaire s'entraîne dans sa salle de gym poussiéreuse, implantée près d'un parc occupé par les dealers et les junkies, dans l’une des banlieues les plus défavorisées de Sydney. «J’ai été écarté de ma culture aborigène. J’ai grandi dans la religion chrétienne à cause des «Blancs» venus coloniser l'Australie, mais je n’étais pas pratiquant. Le christianisme ne m’a pas apporté de réponses», explique le trentenaire.

Un jour, son manager lui a donné un livre sur Malcom X, point de départ de son intérêt pour l’islam. Le leader nationaliste qui dénonçait la marginalisation des afro-américains dans les années 60/70, trouve-t-il un écho en Australie? «Bien sûr! Mais ici, c’est pire, parce qu’on nous a pris nos terres», dénonce Anthony Mundine.

Larissa Behrendt, professeure de droit à l’Université de technologie de Sydney et spécialisée dans la question des droits humains pour les indigènes, appuie ses propos: «Beaucoup d’échanges intellectuels ont eu lieu entre afro-américains et aborigènes autour de la question des droits humains. Probablement plus que les Australiens ne le penseraient. L’activisme radical des droits civils a une résonance auprès des peuples autochtones depuis longtemps.»

La professeure observe surtout des conversions chez les jeunes hommes... en prison. Alors que l’islam est apparu en Australie au XIXe siècle avec l’arrivée de travailleurs afghans, il connaît un fort développement seulement depuis les années 70. Le phénomène fait d’ailleurs l’objet d’une étude nationale, première du genre.

Croyances ancestrales en perte de vitesse

Plus de deux cents ans après l’arrivée des premiers colons britanniques en Australie, près de 5'200 aborigènes sur 455'000 disent encore pratiquer leur religion ancestrale. Cela représente 1% d'entre eux tandis que 73% se déclarent chrétiens. Les conversions forcées pendant près de deux siècles ont mis sous pression leur religion, appelée « dreaming » (lire encadré).

Depuis, les Eglises chrétiennes locales ont fait un pas en direction des aborigènes en intègrant les croyances du "dreaming", proches de la Genèse chrétienne. Le tournant s’est amorcé à la fin des années 70, avec les excuses de la majorité des Eglises prononcées pour leur participation à l’enlèvement de générations d’enfants à leurs parents. Des évêques aborigènes officient désormais dans l’Eglise anglicane tandis que des rituels, comme la cérémonie de la fumée, sont intégrés dans des célébrations catholiques.

La réconciliation a pourtant ses limites. «Les Eglises restent conservatrices et évoluent lentement», regrette aussi Graeme Mundine, petit cousin du boxeur musulman, resté quant à lui fervent catholique et adepte du dreaming. Devenu secrétaire du Conseil national des Églises d'Australie, il est également responsable des affaires indigènes. Il insiste sur le fait que les Églises ne se sont toujours pas excusées pour leur responsabilité dans le vol de la terre australe à ses premiers habitants.

Missionnaires à l'américaine

Actuellement, c'est au tour des missionnaires évangéliques de tenter leur chance auprès des communautés aborigènes isolées et défavorisées. La venue de ces nouveaux évangélisateurs inquiète Graeme Mundine. «Une nouvelle vague d’Eglises arrive dans les campagnes. Dans le détroit de Torres, Thursday Island compte quarante représentations religieuses…pour 2000 habitants». En effet, l’environnement social et la population profondément croyante est propice au développement de nouveaux groupes religieux en quête de membres.

Le problème? «Ces évangélistes venus du Pacifique importent plus un style de vie à l’américaine qu’une religion. Ils transmettent l’idée de renaissance. Or, quand l’un des conjoints rejoint le nouveau groupe, cela conduit souvent à une séparation.» A ses yeux, «ces religieux conçoivent leur mission à l’ancienne. Ils n'ont pas tiré de leçon des erreurs du passé.»

The dreaming

The dreaming (le rêve) offre une structure de vie étroitement liée à la nature qui régit les croyances, les affaires sociales, la politique, l’art au sein des communautés. Chaque peuple transmet l’histoire de la création à travers son propre récit basé sur son environnement. «Dans de nombreuses régions d’Australie, les peuples autochtones ont rendu compatibles à leur manière les croyances du rêve avec d'autres pratiques religieuses», explique Howard Murphy, directeur de l’Ecole de recherche en science de l’homme à Canberra.